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société éditorial

Une belle ferveur: le nouveau Septentrion sur le sport dans les Plats Pays

Par Hendrik Tratsaert, traduit par Jean-Marie Jacquet
27 octobre 2022 5 min. temps de lecture À vos marques: sport et société

Dans son éditorial pour le numéro 6 (2022) de Septentrion consacré au sport dans les Plats Pays, le rédacteur en chef Hendrik Tratsaert jette un regard rétrospectif sur quelques grands moments sportifs qui ont marqué son enfance et laissé une trace dans la mémoire collective.

Le sport est émotion, le sport est compétition, le sport est rivalité, rien de plus évident, mais le sport est avant tout un miroir de la société. C’est avec ces arguments qu’un secrétaire de rédaction passionné, Hans Vanacker, a convaincu ses collègues de la rédaction que même un média spécifique comme Septentrion devait un jour réserver une place au sport: il y avait là une vraie mine d’or qui ne demandait qu’à être exploitée! Personnellement, je n’ai pas été très difficile à convaincre: on peut très bien se laisser gagner par la propension à s’exalter pour autre chose que ses gros livres.

Quand je jette un regard en arrière, je me revois, jeune, sur un sofa usé jusqu’à la corde, assis à côté de ma grand-mère, qui, durant les trente dernières années où j’ai eu le bonheur de la fréquenter (elle est décédée à 99 ans), suivait les courses cyclistes avec un enthousiasme peu commun. À dix ans, j’ai regardé Lucien Van Impe escalader, avec l’agilité d’un chamois, les cols des Alpes et des Pyrénées pour ramener le maillot jaune chez lui. Nous attendons encore aujourd’hui qu’un autre Belge remporte le Tour. Tempus fugit, mais ce ne sera peut-être plus long. Les Pays-Bas sont logés à la même enseigne, eux qui attendent un second Joop Zoetemelk (vainqueur en 1980); et il serait temps que la France – noblesse oblige – se trouve un successeur au légendaire Bernard Hinault (dont la cinquième et dernière victoire date de 1985). Chaque pays a ses héros.

Je dois au football d’autres heures mémorables. Spectateur assidu des émissions TV hebdomadaires et des grandes compétitions, je me souviens en particulier du but inscrit de la tête par Georges Grün en 1985, propulsant l’équipe nationale belge vers le tour final (réussi) de la Coupe du monde 1986 au détriment du onze néerlandais. Je vois encore mon père danser dans le living en clamant sa joie. Cette rivalité belgo-néerlandaise a la vie dure, sans doute plus en Belgique qu’outre-Moerdijk. Les Pays-Bas, quant à eux, ne pardonnent toujours pas à l’Allemagne la finale qu’elle leur a «volée» en 1974, époque où l’équipe Oranje était la meilleure du monde, exhibant un «football total» sous la conduite d’un génie appelé Johan Cruijff. Les supporters néerlandais ont eu l’occasion de pavoiser quatorze ans plus tard lorsque Marco van Basten, reprenant une balle impossible, leur a offert le titre de champion d’Europe.

Les souvenirs de jeunesse ont beau varier suivant la génération à laquelle on appartient, ils sont toujours de la même veine: chacun s’y reconnaît; chaque fois, c’est tout un pays qui commente les événements à n’en plus finir, dans les rires ou les pleurs, c’est selon. Le sport, une expérience qui se vit ensemble. Le sport, une composante du BNB, Bonheur National Brut.

Notre revue ne serait pas ce qu’elle est si, en traitant du sport dans les Plats Pays, elle ne posait les questions de fond. Il ne s’agit pas que de pain et de jeux du cirque, le panem et circenses de la Rome antique. L’importance du sport sur le plan social est abordée ici, et pas seulement comme objet d’étude du passé et des traditions, mais comme phénomène actuel. L’article «Bien plus qu’une simple façade» montre que le football joue un rôle exemplaire en termes de développement de la conscience sociale, et le community building, thème d’un autre article, réunit des gens de tous milieux et de toutes conditions: nous sommes loin de la rhétorique guerrière qui rabaisse le football à une «lutte tribale sublimée».

L’importance du sport sur le plan social est abordée ici, et pas seulement comme objet d’étude du passé et des traditions, mais comme phénomène actuel

Dans un autre volet de cette rubrique consacrée au football, un Flamand et un Néerlandais signent chacun un article sur les origines de la lutte fratricide qui oppose deux clubs réputés d’une ville, pour l’un Rotterdam, pour l’autre Bruges. Tous deux mettent en évidence l’importance primordiale de phénomènes sociologiques dans leur ville: croyant contre incroyant, catholique ou réformé, classes aisées ou populaires.

Vient aussi cet autre sport qui passionne et rassemble les gens, le cyclisme. Une large place lui est faite dans ce numéro, où sont évoqués les débuts héroïques de la petite reine, la typologie du flandrien, Eddy Merckx et une aventurière oubliée sur deux roues, Hélène Dutrieu. Au passage, nous saluons avec plaisir la langue française; les néerlandophones lui doivent quantité de leurs mots d’emprunt, dont le moins savoureux n’est certainement pas chasse-patate.

Impossible de passer sous silence le patinage. L’engouement phénoménal pour ce sport aux Pays-Bas ne s’est jamais démenti. Les Néerlandais le pratiquent ensemble, et le patinage a ses héros nationaux. La vogue du patin se traduit jusque dans l’art: au XVIIe siècle, le fameux Siècle d’or des Pays-Bas, rares étaient les représentations picturales de scènes d’hiver sans patineurs.

Le sport au féminin est un domaine où les Pays-Bas d’aujourd’hui se distinguent particulièrement: le succès mondial de leurs sportives est sans commune mesure avec les nations voisines. Pour notre dossier, nous avons cherché la réponse à la question du pourquoi et nous nous sommes demandé comment elles font. Après avoir lu l’article, vous situerez sans doute mieux et ne ferez qu’apprécier davantage les prestations de Dafne Schippers et Femke Bol, qui collectionnent les médailles d’athlétisme en sprint. Personnellement, je suis également frappé du formidable regain d’intérêt des médias pour le sport d’équipe chez les femmes, la palme allant au football et au cyclisme. Que les sportives des Plats Pays d’aujourd’hui ne prennent plus seulement pour modèles la «ménagère volante» Fanny Blankers-Koen ou l’heptathlonienne Nafi Thiam, mais aussi la cycliste néerlandaise Annemiek van Vleuten ou la footballeuse belge Tessa Wullaert, témoigne d’une ferveur de bon augure.

Une belle ferveur, à l’aune de cette indéfectible envie de s’exalter dans et par le sport.

Cet article a initialement paru dans Septentrion n° 6, 2022.
Hendrik Tratsaert2

Hendrik Tratsaert

rédacteur en chef

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