Une France dans le flou, un Nord-Pas-de-Calais dominé par le Rassemblement national
En prononçant la
dissolution de l’Assemblée nationale au lendemain des élections européennes,
Emmanuel Macron espérait renverser la table et clarifier la situation. Au lendemain
du deuxième tour, le scrutin montre surtout une France divisée en trois blocs,
légèrement dominée par la gauche. À l’inverse du Nord et du Pas-de-Calais où
l’implantation du Rassemblement national à l’extrême-droite se confirme.
Un «ouf» de soulagement
pour une grande partie des Français. Alors que le dimanche 30 juin, les
électeurs découvraient une extrême-droite largement en tête au niveau national
pour le premier tour des élections législatives (33,35%, plus de dix millions de votants, et des projections en sièges qui permettaient d’atteindre
ou presque la majorité absolue de 289 sièges à l’Assemblée nationale), les sept
derniers jours ont renversé la table.
Finalement, avec 182 députés, ce sont les partis de gauche réunis sous la bannière du Nouveau Front Populaire (NFP, constitué de candidates de la France insoumise, du Parti communiste, des Écologistes et du Parti socialiste) qui sortent en tête! Le camp présidentiel (sous la bannière Ensemble) se place en deuxième position avec 168 députés (il en avait 250 jusqu’alors) et le Rassemblement national se contente de 143 élus, ce qui est historique, les 89 de 2022 constituant déjà un record.
Comment expliquer ce renversement? Le retour du front républicain (c’est-à-dire le rassemblement de plusieurs partis politiques de la droite et de la gauche contre le Front national), qui faisait de plus en plus défaut ces dernières années; nombre de candidats Ensemble ou NFP, arrivés troisièmes au premier tour, se sont désistés pour laisser une chance au candidat restant contre le Rassemblement national de l’emporter au second.
© Nicolas Montard
Reste que ce second tour ne règle rien. En annonçant dissoudre l’Assemblée nationale au lendemain des élections européennes calamiteuses pour le camp présidentiel (le RN à 31%, la majorité présidentielle à 14%), Emmanuel Macron comptait renverser la table et clarifier la situation. Aujourd’hui, passé le risque de l’extrême-droite au pouvoir, il n’y a rien de clair. La gauche a beau être en tête, elle ne peut gouverner seule et s’expose à être balayée par une motion de censure. Le parti présidentiel, s’il s’en sort mieux que prévu, est laminé et les couteaux s’aiguisent alors qu’Emmanuel Macron n’a pas le droit de se représenter en 2027. Sa décision de dissolution brutale a été incomprise, même chez ses soutiens. Pour gouverner le pays, il faut donc trouver des majorités: une coalition entre la gauche modérée et le camp présidentiel? Un gouvernement d’union nationale? Un gouvernement d’experts? C’est la confusion totale, et si aucune solution viable n’émerge, il faudra convoquer de nouvelles élections… dans un an (le délai légal pour une nouvelle dissolution).
Cinq sièges de plus pour le RN dans l’ex-région Nord-Pas-de-Calais
Si la France vire légèrement à gauche… ce n’est pas le cas des deux départements du Nord et du Pas-de-Calais. Ici, le RN confirme son ancrage et sa progression, dans la foulée des Européennes où la liste de Jordan Bardella était en tête dans 29 des 33 circonscriptions. Le 7 juillet, pour le second tour des législatives, le Nord a voté à 38% pour le RN (23% pour NFP, 19% pour Ensemble), le Pas-de-Calais à 50% (25% pour Ensemble, 16% pour NFP). Depuis 2022, le RN tenait déjà six circonscriptions sur douze dans le Pas-de-Calais. Ce lundi, il en détient dix. Seules celles autour d’Arras et autour du Touquet (fief du président de la République) ont résisté tant bien que mal. Boulogne-sur-Mer, Calais, Saint-Omer et Lens ont basculé.
Dans le Nord, deux circonscriptions, gagnées en 2022, sont perdues par le RN: celle autour de Seclin-Haubourdin récupérée par l’ancien titulaire du poste, Sébastien Huyghe (Divers droite, une étiquette politique qui intègre les candidats apparentés à la droite, mais membres d’aucun parti); celle d’Hazebrouck-Bailleul gagnée par le maire de Steenvoorde (Divers droite), Jean-Pierre Bataille. Mais dans le même temps, le RN en gagne trois nouvelles: Jeumont-Maubeuge, Cambrai-Caudry, Saint-Amand-les-Eaux-Vieux-Condé (où le leader communiste national Fabien Roussel a été battu). De quoi régner sur sept circonscriptions sur vingt-et-une, toutes dans le sud du département.
© Nicolas Montard
À noter qu’en Picardie, l’autre partie des Hauts-de-France, le Rassemblement national compte désormais treize circonscriptions sur dix-sept, soit cinq de plus qu’en 2022.
Que changent les résultats nationaux et locaux pour la région à ce jour? Difficile à dire tant qu’un nouveau gouvernement national n’a pas émergé. La région frontalière pourrait assister au retour de Patrice Vergriete, l’actuel ministre des Transports, dans le Dunkerquois. À moins que son profil d’origine à gauche ne serve dans un hypothétique gouvernement/coalition gauche-majorité présidentielle.
Au-delà, les résultats régionaux interrogent sur les prochaines échéances électorales. En 2026, les Français voteront pour les élections municipales. À la vue des résultats de ces dernières semaines, il parait probable que d’autres villes nordistes suivront l’exemple d’Hénin-Beaumont et Bruay-la-Buissière, détenues par l’extrême-droite depuis 2014 et 2022. Les échéances régionales et départementales (en 2027 ou 2028) sont déjà également dans les têtes, tout comme évidemment la présidentielle de 2027 où la députée RN d’Hénin-Beaumont, Marine Le Pen, devrait tenter de l’emporter.
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