Une nouvelle enquête: un extrait de «De moord op Arno Linter» de Toni Coppers
Dans la néerlandophonie, les auteurs de thrillers et de romans policiers sont aujourd’hui encore en butte à de tenaces préjugés. Il n’empêche: aux Pays-Bas comme en Flandre, il s’agit d’un genre qui a beaucoup à offrir. En accompagnement de l’article de Jos van Cann, qui présente les principaux auteurs et un aperçu de quelques tendances saillantes, voici un extrait de De moord op Arno Linter de Toni Coppers.
Une nouvelle enquête
La commissaire Liese Meerhout remonta la fermeture Éclair de son imperméable, verrouilla la voiture de service et regarda d’un air maussade ses chaussures à moitié enfoncées dans la boue. Vingt mètres plus loin, entre les fourgons de police, la voiture du juge d’instruction et les véhicules de la police scientifique et technique, elle aperçut la fourgonnette blanche de son département, affectueusement surnommée par ses collègues «le bus du crime» et bourrée de tout le matériel dont une équipe d’enquête criminelle pouvait avoir besoin sur une scène de crime. À côté de la fourgonnette se tenait l’inspecteur principal Nouredinne Naybet. Il lui fit signe de la main.
Liese Meerhout était à la tête de son équipe à la brigade criminelle d’Anvers depuis déjà sept ans. Elle approchait de la quarantaine, ce qui ne lui faisait ni chaud ni froid. Elle avait lu récemment dans un article de journal que la notion de vieillesse évoluait à mesure qu’on avançait soi-même en âge, et cela lui paraissait logique. Tout était relatif: lorsqu’elle avait vingt ans, son âge actuel paraissait déjà très avancé et Michel Masson, le bras droit et bon ami de Liese, avec ses soixante printemps, lui aurait sans doute semblé un vieillard.
Ce qui lui fit immédiatement penser au fils de Masson, Matthias Sandberg, chef cuisinier durant ses heures de travail et amoureux, amant et compagnon de Liese à toutes les heures, avant, pendant et après le travail.
Elle tira son téléphone de la poche arrière de son jean.
«Bonjour, ma chérie, répondit Matthias. Tout va bien?
– Une nouvelle enquête. Tu connais le Quick de Borsbeek, près du grand Carrefour?
– De réputation.»
Il n’aimait pas vraiment les fast-foods et se rendait rarement, voire jamais, dans cette zone périphérique de la ville, près de l’aéroport.
«Un de leurs employés a été assassiné. De sang-froid, comme on dit.»
Matthias ne répondit pas. Ils étaient ensemble depuis quelques années déjà, il ne s’étonnait plus d’une affaire de meurtre de plus ou de moins. Non que ça le laisse indifférent, mais, en tant que partenaire d’une commissaire à la criminelle, cela signifiait surtout pour lui que sa copine serait rarement à la maison dans les semaines à venir. Et les heures où elle serait à la maison, sa tête serait à l’enquête.
Liese vit l’inspecteur en chef Naybet agiter à nouveau la main.
«Je dois y aller, je te rappelle plus tard», dit-elle.
Elle se dirigea vers son collègue en essayant d’éviter autant que possible les flaques brunâtres.
«Bonjour Nouredinne.
– Chef.»
Il montra la banquette de la fourgonnette. Sur la tablette devant, il y avait un ordinateur portable ouvert.
«Une soupe instantanée? Il y a de la soupe au poulet avec des vermicelles.
– Elle est bonne?
– Elle est chaude.»
Liese secoua la tête.
«Laisse tomber. Raconte-moi.
– Arno Linter, dix-neuf ans. Il travaillait pour le restaurant depuis un moment, quelques soirs par semaine. Toujours de service au drive-in.»