Quelle nouvelle vocation pour le poste de douane de Callicanes?
Les bâtiments de l’ancien poste de douane de Callicanes, situé sur la route qui mène de Poperinge à Steenvoorde, sont en cours de démolition. Ils étaient à l’abandon depuis un quart de siècle. À quoi feront-ils place? Ce n’est pas encore défini dans tous les détails, mais le lieu sera réaffecté.
Les autorités et instances concernées des deux côtés de la frontière sont depuis longtemps d’accord: les anciens bâtiments désaffectés de la douane et la surface de circulation attenante ne peuvent rester en l’état. Mais il s’agit aussi d’éviter une répétition des années 1980 . Le complexe douanier flambant neuf de l’époque allait, quelques années à peine après avoir été construit, perdre sa raison d’être du fait de la suppression des contrôles aux frontières intra-européennes.
© Christophe Boval
Une nouvelle affectation du site doit se faire à l’échelle de la région et répondre à des besoins réels. Voilà pourquoi, lors de la manifestation de clôture du projet Interreg V Qualicanes, le vendredi 30 septembre dernier, le député west-flamand Jean de Bethune a souligné combien il était important que la population locale ait son mot à dire dans la définition de la nouvelle affectation. Ce n’est pas par hasard que le slogan est libellé «Callicanes change avec vous/Callicanes verandert met u».
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Le projet Qualicanes, porté par la province de Flandre-Occidentale et la Communauté de communes de Flandre intérieure (CCFI), est le prolongement d’un masterplan conçu pour le site en 2018. L’ambition y avait été exprimée de faire en sorte que, pour ce poste frontière, l’accent ne soit plus mis sur les aspects obstacle et contrôle, mais sur la fonction de passage et de rencontre.
Ceci impliquait que certaines conditions préalables soient remplies. Ainsi, côté sud, sur le territoire français, une forte proportion de terrains est déjà propriété privée. Pour l’ensemble du site de Callicanes, on dénombre au total quinze commerces ou entreprises. Leur implantation est souvent liée au trafic, notamment de marchandises: ainsi par exemple une société de transport, deux stations-service et un restaurant pour routiers, mais aussi une entreprise de peinture, un hôtel trois étoiles et même une crèche. Le but est que ces activités puissent se maintenir, mais dans un cadre plus attrayant. En même temps, le bâtiment de police situé côté français doit rester aux mains de la police française. D’autre part, la localité de Callicanes se trouve dans une zone champêtre pleine d’attrait, avec une jolie vue sur les monts de Flandre, en particulier le Mont des Cats. Il ne peut être question de (continuer à) toucher à ces perspectives visuelles.
© Christophe Boval
Last but not least, le rôle de la D948/N38 Steenvoorde-Poperinge pour le trafic constitue une donnée cruciale. Il s’agit du passage frontière le plus important pour le transport (de fret) motorisé entre la côte et la métropole lilloise. Cette voie assure la liaison entre le réseau autoroutier français, plus précisément la A25 Lille-Dunkerque, et l’autoroute belge A19 Ypres-Courtrai. C’est pour cette raison que les autorités flamandes, qui mettent actuellement au point leur nouvelle répartition des routes en catégories, ont sélectionné la N38 comme voie rapide, soit la catégorie juste au-dessous des autoroutes. Chaque jour, 6 000 véhicules, dont 20% de poids lourds, l’empruntent pour franchir la frontière.
Une ovonde avec un bâtiment emblématique?
L’augmentation de densité, surtout du trafic de poids lourds, a été dans les années 1980 la principale raison du déplacement des activités douanières du village d’Abele vers le hameau de Callicanes, situé quelques kilomètres plus loin, pile sur la frontière. Durant la même période, la «route de Flandre française» a été aménagée sur l’ancienne voie ferrée Poperinge-Abele. Le fait que Callicanes n’était qu’un petit point insignifiant sur la carte a été considéré comme un atout, car un complexe douanier n’y engendrerait que peu d’encombrement. La démarche actuelle va en sens inverse et tend à redonner vie à l’ancien site de la douane. Ne faut-il pas craindre que cela soit au détriment des villages tout proches que sont Abele, Watou, Godewaersvelde ou Boeschèpe?
Bart Noels, journaliste et vidéaste à qui la région frontalière tient fort à cœur, a réalisé dans le cadre du projet Qualicanes un documentaire pour lequel il a parcouru les 620 kilomètres de la frontière franco-belge à la recherche de ce que l’avenir pourrait y apporter. Son avis est nuancé. «Qu’il y ait un poste frontière ne signifie pas forcément qu’il doive y avoir un projet de développement. Encore faut-il que la communauté locale des deux côtés de la frontière y voie son avantage. De plus, il faut bien se rendre compte que, pour des raisons évidentes, les choses sont plus aisées à la frontière franco-wallonne qu’à la frontière franco-flamande. Mais ici, à Callicanes, il existe sûrement des possibilités.»
Au cours de son périple, Bart Noels a repéré des phénomènes frontaliers de toutes formes et de toutes sortes, depuis un simple abri pour douaniers, muet témoin entre Bailleul et Loker, jusqu’à une place urbaine entre Menin et Halluin. Et il va de soi qu’il ne pouvait omettre dans son documentaire le poste frontière de Macquenoise/Hirson, bien connu pour avoir servi de décor au film Rien à déclarer.
Le titre du documentaire, Passage, est particulièrement de mise pour les lieux où la frontière se franchit par autoroute. Fini l’arrêt obligatoire, on y passe maintenant en trombe. Dans de nombreux cas, la reconversion se résume à la démolition des anciens bâtiments de douane et à l’aménagement d’une aire de stationnement et de repos pour les routiers. Une réaffectation d’ailleurs opportune, car les commodités bien équipées pour les conducteurs de poids lourds font trop souvent défaut.
© Christophe Boval
Callicanes présente un visage hybride: il n’est pas situé sur une autoroute, et une certaine activité s’y est développée qui, bien que sans rapport avec l’ancienne fonction de douane, est tout de même assez fortement axée sur le trafic, notamment de marchandises. On n’est donc pas surpris qu’une aire de stationnement et de détente pour chauffeurs de poids lourds y soit prévue du côté nord.
L’actuel espace central, où se dresse encore le poste de contrôle douanier, est appelé à devenir une vaste ovonde (un rond-point ovale) s’étendant sur presque toute la longueur du site. Cela offre trois avantages: les voitures et les camions peuvent y faire demi-tour en toute sécurité; la chaussée carrossable est moins large, si bien que la vitesse de circulation est réduite; et les cyclistes et piétons peuvent traverser la route en deux temps, un sens de circulation à la fois.
Ce dernier point a son importance dans l’optique du développement d’activités sur place pour la population, une ferme ambition des initiateurs. Dans le masterplan d’origine, il était question d’un bâtiment emblématique et multifonctionnel à l’intérieur de l’ovonde. À l’heure actuelle, il est encore difficile de déterminer si c’est vraiment souhaitable et, a fortiori, de dire si c’est faisable. C’est pourquoi, depuis peu, un bâtiment modulaire d’une surface utile de quelque 100 m² a été installé sur le parking à titre expérimental pour accueillir des réunions et initiatives en tous genres. Il semble d’ores et déjà que les cours de français-néerlandais dans la zone frontalière (sur la Schreve) récoltent un franc succès.