Une visite à Louvain, ce n’est pas vain
Lors de sa visite dans la ville universitaire de Louvain (ou Leuven en néerlandais), Derek Blyth nous guide à travers l’une des cités européennes les plus intelligentes, quelques-uns des meilleurs bars de Belgique et il nous emmène en promenade jusqu’aux confins du temps.
Je me devais de commencer ma visite par une bière. J’étais à Louvain, berceau de la Stella Artois. J’ai demandé à un ami où je devais aller pour boire un verre. «Va au Gambrinus», m’a-t-il dit. «C’est calme et… civilisé. Tu m’en diras des nouvelles.»
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Et il avait raison. Le Gambrinus est un bar élégant, situé sur la Grand-Place et décoré de boiseries, de lustres en cuivre étincelants et de peintures murales défraîchies. Typiquement flamand, allais-je dire. J’ai ensuite remarqué les peintures murales bavaroises et l’inscription «Bürgerliches Brauhaus München ». Il semble que la première famille propriétaire ait obtenu le droit exclusif de vendre de la bière brassée par la célèbre brasserie munichoise, une bonne raison de sauver ce café de la destruction.
Août 1914, l’armée allemande venait tout juste d’entrer dans Louvain. Le 25 août, il s’est produit un évènement que personne ne peut vraiment expliquer. Certains disent qu’un tireur d’élite a tiré sur les troupes allemandes, d’autres qu’un cheval s’est emballé. Peu importe. Cela a provoqué la panique parmi les jeunes soldats allemands. Un bâtiment a pris feu. Les flammes se sont propagées et, en quelques heures, la majeure partie de cette ancienne ville flamande a été réduite en cendres. Plus de 2 000 bâtiments ont été détruits et 248 personnes ont perdu la vie.
Mais le Gambrinus a été épargné. Les Allemands ont apparemment pris soin de sauver le seul café de la ville qui vendait de la bière munichoise. En 1932, les propriétaires ont déménagé dans un nouvel endroit sur la Grand-Place où ils ont minutieusement reconstitué l’ancien intérieur. Le Gambrinus appartient aujourd’hui à la brasserie Stella Artois. Vous savez donc quoi y commander.
Si l’on regarde par la fenêtre du Gambrinus, la Grand-Place paraît étonnamment ancienne. Pourtant, elle n’a pratiquement rien de purement authentique. La majeure partie de la vieille ville a été reconstruite dans les années 1920. L’argent venait des indemnités de guerre versées par l’Allemagne. Les riverains ont décidé de reconstruire leurs maisons dans un style flamand traditionnel. Ne vous méprenez pas, même si les bâtiments qui vous entourent semblent vieux de plusieurs siècles, ils sont presque tous ornés d’une petite tablette en pierre, gravée des images symboliques de l’épée et du feu, ainsi que de la date de 1914.
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La KU Leuven a été fondée en 1425. Elle célèbrera l’année prochaine ses 600 ans. Certaines personnes la comparent à l’université d’Oxford. Chaque septembre, plus de 50 000 étudiants s’ajoutent aux 100 000 Louvanistes.
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Mais ce n’est pas Oxford… Enfin, pas exactement. L’ancienne université anglaise est restée intacte tandis que l’histoire déchirait Louvain. Un feu s’est déclaré en 1914 et a ravagé bon nombre de collèges. Certains n’ont jamais été reconstruits, comme le collège de Drieux, fondé par Michel Drieux en 1559 et dont il ne reste que l’entrée néoclassique à la Schrijnmakersstraat. Le reste est parti en fumée.
Après la reconstruction, Louvain s’est retrouvée avec d’étranges bâtiments, notamment un ensemble curieux de huit maisons cachées dans une ruelle pavée derrière l’église Sainte-Gertrude. Connu sous le nom de l’aile Thiéry, le complexe a été construit à partir de fragments d’anciens bâtiments détruits par l’armée allemande en 1914.
Cet exemple étonnant de reconstruction d’après-guerre a été proposé par Armand Thiéry, un professeur de théologie qui siégeait au comité de reconstruction de Louvain. C’était un personnage haut en couleur, selon Wikipédia, où il y est décrit comme «un philosophe, théologien, professeur, mathématicien, avocat, prêtre et architecte belge».
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Il a fait l’acquisition de l’abbaye de Sainte-Gertrude en ruines avec l’intention de la restaurer. Il a ensuite eu l’idée d’utiliser des briques et des pierres récupérées sur des maisons des XVIe et XVIIe siècles pour créer une nouvelle aile. Le résultat est un mélange éclectique de portes baroques, de sculpture de la Renaissance et de détails modernes.
Je commençais à comprendre que tout ne s’était pas toujours passé pour le mieux à Louvain. Au XIIIe siècle, la ville faisait partie du riche Duché de Brabant, tout comme Bruxelles. Louvain aurait pu devenir la capitale du Brabant, la capitale de la Belgique, et peut-être même la capitale de l’Europe. Toutefois, les ducs de Brabant ont préféré s’installer sur les hauteurs de Bruxelles.
Peut-être que Bruxelles était un meilleur choix. Louvain est érigé sur une zone marécageuse où il est difficile de construire quoi que ce soit de plus de trois étages. L’architecte de l’hôtel de ville a dû abandonner son projet de clocher, car le sol était trop marécageux pour le supporter.
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L’église d’en face est un autre échec architectural. Le projet initial prévoyait trois flèches adossées à la façade ouest, dont une flèche centrale qui aurait été la plus grande au monde. Une maquette est exposée à l’intérieur de l’église. Cependant, en raison du terrain bourbeux, le projet a dû être abandonné. Il n’en reste plus que les fondations.
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L’incendie de 1914, qui a aggravé le malheur de Louvain, a presque tout ravagé sur son passage, à l’exception du Stadhuis (l’hôtel de ville). L’armée allemande avait implanté son quartier général à l’intérieur de l’hôtel de ville ornementé du XVe siècle, ce qui lui a permis de s’en sortir sans la moindre égratignure.
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Plus de 200 niches gothiques, initialement prévues pour maintenir des statues, décorent la façade. Les niches sont restées vides jusqu’en 1852, car l’argent manquait. Un plan pour remplir ces alcôves avec des personnages majeurs de l’histoire de Louvain a fait l’objet de débats acharnés. Vous pourrez apercevoir Érasme, ainsi que différents professeurs. Cependant, la statue de 200 kilos représentant le roi Léopold II a été retirée en 2020 à la suite des manifestations Black Lives Matter.
Six siècles plus tard, en 2008, les autorités de la ville ont enfin quitté le bâtiment. Elles travaillent à présent dans l’hôtel de ville flambant neuf situé à côté de la gare. L’ancien hôtel de ville sera rénové par les cabinets d’architectes aNNo et Felt. Les travaux, qui débuteront en octobre 2024, prendront fin en 2029. À sa réouverture, il sera de nouveau possible de visiter le bâtiment pour découvrir son histoire, celle de la ville et ses projets d’avenir.
De l’autre côté de la Grand-Place, une rénovation ambitieuse de la collégiale Saint-Pierre est enfin arrivée à son terme en 2020, après 35 ans de travaux. L’intérieur doté d’ornements style gothique brabançon est revenu à son état d’origine, avec ses murs en pierre blanc froid, et les objets religieux ont été enlevés, laissant derrière eux une humble collection de peintures et de sculptures à leurs emplacements d’origine. Parmi celles-ci, se trouve «La Cène» de Dieric Bouts et la tombe de Henri Ier, duc de Brabant.
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La collégiale a créé, en collaboration avec le musée M, un cadre similaire à celui d’un musée contemporain. L’entrée est gratuite, mais si vous souhaitez en apprendre davantage sur la collection, vous pouvez opter pour une visite via un iPad qui, elle, est payante. Vous pouvez aussi louer un casque HoloLens un peu intimidant qui est équipé de lunettes connectées afin de regarder les peintures en 3 D.
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J’ai passé la nuit dans un ancien bâtiment gothique près de l’église qui avait été transformé en hôtel. Il s’appelait The Fourth (le Quatrième). Son nom m’intriguait. Qu’était-il arrivé au Premier (The First)? Et aux deux autres?
À l’origine, le bâtiment avait été construit pour les guildes locales en 1479. Il est devenu un théâtre en 1817, une succursale de la Banque nationale en 1930 et enfin un hôtel-boutique branché, où les chambres sont dotées d’interrupteurs intelligents et d’une réserve privée de grains de café boliviens artisanaux. Passé depuis peu entre les mains d’un nouveau propriétaire, l’hôtel est en ce moment en travaux et rouvrira ses portes prochainement.
Je me suis rendu à la bibliothèque de l’université le lendemain matin. Vous seriez tenté de l’appeler The Third (Le Troisième). La première bibliothèque a été déplacée à la fin du XVIIe siècle dans une Halle aux draps médiévale, ajoutant un étage baroque dépareillé au bâtiment gothique d’origine. L’incendie de 1914 a ravagé le bâtiment et détruit sa collection de 300 000 livres et de manuscrits rares. Seuls 30 volumes calcinés, aujourd’hui exposés séparément comme des reliques dans une vitrine en verre distincte, furent épargnés par le brasier.
La deuxième bibliothèque a été construite grâce à l’argent récolté par un consortium de plusieurs pays, les États-Unis en tête de file. Le nouveau bâtiment a été conçu par l’architecte américain Whitney Warren dans un style inspiré de la Renaissance flamande et des bâtiments baroques. La bibliothèque comporte même un beffroi flamand. Vous pouvez vous promener sous l’arcade pour lire la plaque qui énumère avec une écriture élégante les universités américaines qui ont financé la reconstruction du bâtiment dans les années 1920.
© Layla Aerts
Mais les Allemands n’en avaient pas fini avec Louvain. Ils sont revenus en 1942 et ont incendié la bibliothèque une fois de plus. Le bâtiment a été reconstruit pour la troisième (et dernière) fois (espérons-le) après la guerre. Mais cette institution solennelle a été bouleversée par un conflit linguistique dans les années 1960, lorsque les étudiants ont manifesté pour transformer Louvain en une institution où les cours se donneraient en néerlandais plutôt qu’en français. Les manifestations se sont poursuivies durant plusieurs années, jusqu’à ce qu’un nouveau campus appelé Louvain-la-Neuve soit construit pour les étudiants francophones.
Les livres ont dû être partagés entre les deux universités. Mais comment partager un ensemble de dictionnaires ou une collection de périodiques? La solution trouvée est assez surréaliste: garder les volumes sur les étagères au nombre impair à Louvain et donner ceux sur les étagères au nombre pair à la nouvelle université. Une bibliothécaire belge taciturne m’a un jour raconté que cela signifiait que Louvain possédait la moitié des volumes d’une encyclopédie, tandis que l’autre moitié se trouvait en Wallonie.
© Rob Stevens
La première bibliothèque existe toujours et se trouve à la Naamsestraat. Il s’agit d’un étrange bâtiment délabré occupé par des services administratifs. Vous pouvez entrer et jeter un œil à son impressionnant hall gothique où l’on vendait des tissus au Moyen Âge. Ce vaste espace voûté est maintenant occupé par un coffee bar et la boutique de l’université.
© Visit Leuven
J’ai passé près d’une heure à me promener dans les universités de la Naamsestraat. Fondé en 1442, le collège du Saint-Esprit est le bâtiment le plus ancien, bien qu’il ne reste plus rien du bâtiment d’origine. Fondé en 1569, le collège Van Dale ressemble plutôt à un ancien collège, avec son magnifique jardin de style Renaissance, sa vieille pompe à eau et ses murs de briques rouges.
© KULeuven / Rob Stevens
Une porte cachée derrière le collège mène à un chemin sauvage appelé le Dijlewolvenpad. Ce chemin sinueux descend à travers une réserve naturelle jusqu’à la Dyle. Une petite promenade vous mènera à un autre coin secret: le Dijlepark. Autrefois jardin privatif, ce parc aménagé entouré des deux bras de la Dyle revêt un côté romantique grâce à son pont de fer et son pavillon.
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Un détour m’a amené à un petit parc près de la rivière, aménagé sur l’emplacement d’un parking. De là, je pouvais voir sur les berges de la Dyle deux anciennes tours rondes qui avaient été cachées pendant des siècles. Initialement construites au XIIe siècle pour défendre la ville, les tours ont été abandonnées vers 1360 lors de l’expansion de Louvain.
L’une des tours est nommée « tour de Jansénius » en l’honneur du théologien néerlandais Jansénius qui l’a rénovée en 1618 et y a vécu pendant 8 ans. L’autre tour, actuellement entourée d’échafaudages, porte le nom de «tour Juste Lipse».
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J’ai terminé ma balade par le magnifique Begijnhof (béguinage) à l’entrée de la vieille ville. Ancienne communauté médiévale fortifiée de femmes célibataires, le béguinage est comme une petite ville à part entière, avec ses ruelles pavées cahoteuses, ses maisons en briques et ses petits ponts qui enjambent la Dyle. Les maisons ont été soigneusement transformées en logements pour étudiants internationaux et pour les professeurs qui ont la chance de vivre dans un cadre digne d’une peinture des primitifs flamands.
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De l’autre côté de la ville, j’ai découvert une porte qui m’a conduit à l’abbaye Keizersberg, aussi connue sous le nom d’abbaye du Mont-César. Il ne reste du château qui s’y trouvait jadis qu’un puits et un mur en ruines. Ce site est maintenant occupé par une lugubre abbaye bénédictine du XIXe siècle, par des ruines mystérieuses, par un cimetière et par un verger recelant des variétés rares de pommiers. Au sommet, j’ai pu voir les anciennes flèches et la vaste brasserie Stella Artois.
Et cela m’a rappelé que Louvain n’est pas qu’une ville universitaire. Elle est, depuis le Moyen Âge, une ville brassicole. La fameuse brasserie Stella Artois trouve son origine dans la taverne Den Hoorn (la Corne) où les chasseurs se rendaient pour boire un verre. Elle possédait une brasserie qui avait été inscrite dans les registres de la ville en 1366.
© Visit Leuven
La brasserie Den Hoorn a pris rapidement de l’importance après l’arrivée de l’université. La brasserie a été renommée Artois en 1717 lorsqu’elle a été reprise par Sébastien Artois. Le nom Stella (étoile) a été ajouté lorsqu’en 1926 la brasserie a lancé une bière de Noël du même nom en édition limitée. On a alors écrit la date 1366 sur l’étiquette pour prouver qu’elle existait depuis longtemps.
Lors de la commercialisation de Stella Artois au Royaume-Uni en 1976, la bière a été catégorisée comme lager premium et avait son propre verre. Son slogan affirmait sur un ton provocateur: Reassuringly expensive. La bière a été mise en avant dans plusieurs publicités prodigieuses basées sur un nouveau courant cinématographique français, afin que tout le monde pense que cette bière louvaniste était une boisson française sophistiquée qui pouvait être consommée dans un cinéma snob devant un film de Jean-Luc Godard.
En 2010, l’entreprise a essayé de persuader les Louvanistes que la bière était une lager premium, mais personne n’est tombé dans ce piège. Il s’agissait d’une bière belge ordinaire que l’on buvait au bar du coin. Reassuringly affordable, vous seriez tentés de dire.
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Stella Artois qui surplombe le canal de Louvain est devenue l’une des plus grandes brasseries au monde. Aujourd’hui, l’entreprise fait partie de la multinationale AB InBev et produit près de deux millions de litres de bière par jour dans l’une de ses nouvelles exploitations. L’ancienne brasserie, quant à elle, a été transformée en quartier branché avec espaces de coworking et des salles de réunion. La salle de brassage reçoit désormais des événements. Au bar ou au restaurant De Hoorn (la Corne), vous pouvez boire une Stella bien fraîche venant directement de la cuve.
Je ne sais pas du tout combien de bars Louvain compte, mais il y en a beaucoup et ils se trouvent majoritairement sur le Oude Markt (la vieille place), plus communément appelée le plus grand bar au monde.
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Mais les bars les plus intéressants ne se trouvent probablement pas ici. J’ai aimé l’apparence du Leuven Central, un ancien café abandonné, restauré par les propriétaires. Situé près d’un panneau indiquant le centre-ville officiel, Leuven Central a conservé son intérieur d’origine: meubles en bois, pancartes Stella Artois et rangées d’aspidistras sur l’appui de fenêtre. Le Leuven Central propose de la nourriture de bistrot flamande: des pistolets au jambon, des boulettes de viande maison et même un panier d’œufs cuits durs posé sur le comptoir.
Il y a également le superbe ancien Entrepot, aujourd’hui le café du centre culturel OPEK, un café moderne situé dans un bâtiment industriel rénové en face de la brasserie Stella Artois dans le site du Vaartkom, au bord de l’eau. Il présente un intérieur brut comportant des tables en bois recyclé, des tuyaux en fer, ainsi qu’une sculpture suspendue en argent créée par Pieter Jansen. La terrasse au bord de l’eau est l’emplacement idéal pour boire une Hoegaarden bien fraîche (aussi brassée par AB InBev) lorsqu’il fait chaud.
Mais il n’y a pas que la bière à Louvain. Il existe également des cafés plus sérieux où l’on retrouve des étudiants buvant un flat white, leur syllabus à la main. Le petit Mok grille son propre café au cœur de la ville depuis 2012. Vous pouvez aussi vous rendre au Madmum, qui torréfie ses grains de café dans un grand espace industriel en face de l’ancienne usine Stella ainsi que dans ses autres filiales au centre-ville.
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Louvain est également un bon endroit pour faire des achats dans des magasins indépendants. L’élégante Mechelsestraat offre un choix éclectique de magasins uniques, notamment une pharmacie, un magasin italien, une fromagerie, un magasin de jouets, ainsi qu’un magasin spécialisé dans la taxidermie.
Il y a bien sûr des librairies, telles que la Barboek, cachée derrière une rue pavée tranquille. Située dans une ancienne imprimerie, la Barboek expose des livres dans plusieurs pièces privées, meublées de tables rondes, de fauteuils et de sofas. Vous pouvez vous asseoir au milieu des livres et boire un café ou vous installer dehors si le temps le permet.
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Un ancien étudiant m’a dit un jour: «Il faut que vous écoutiez Het is weer druk in Leuven (La vie bat à nouveau son plein à Louvain) du groupe Noordkaap. La chanson parle d’un retour à l’université».
La chanson commence par: «Les étudiants dans la rue/ ils rient, ils se baladent, ils friment/ ils savent ce que c’est d’étudier». Mais ensuite, les paroles deviennent plus sombres : « Je suis encore seul à Louvain/ je me demande ce que je fais ici ?»
Les étudiants commencent à arriver en septembre. Ils se promènent à vélo et s’entassent dans les bars de la vieille place. Cependant, ils ne restent pas constamment à Louvain. La plupart des étudiants prennent le train pour rentrer chez eux le vendredi après-midi. Les étudiants sortent boire un verre le jeudi et la ville est donc assez calme le week-end. Encore une fois, ce n’est pas vraiment la même chose qu’à Oxford.
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Louvain aime se qualifier de ville «intelligente». La ville constitue, depuis plusieurs siècles, un important centre de connaissances. La première édition du roman L’Utopie de Thomas More a été imprimée à Louvain. L’humaniste Érasme a séjourné quelque temps à Louvain. On lui a rendu hommage en érigeant une statue de bronze à son effigie, souvent recouverte d’une multitude de bicyclettes sur la Mechelsestraat et en créant le jardin de statues buissonneux et romantique, l’Erasmustuin (jardin Érasme), situé près de la Faculté de littérature. Donc oui, Louvain est une ville de connaissances (même si vous ne pouvez y trouver que la moitié des encyclopédies).
La plupart des collèges universitaires étaient, à l’origine, des institutions catholiques qui formaient des prêtres ou des missionnaires. L’un des plus célèbres étudiants repose dans la crypte d’une chapelle médiévale de pèlerinage près du béguinage. En 1873, Jozef De Veuster, plus connu sous le nom de Père Damien (ou Damiaan en néerlandais), a commencé à travailler dans une colonie de lépreux à Hawaï en tant que missionnaire. Il a connu une fin tragique: il a succombé à la lèpre sur l’île en 1889.
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Le Père Damien a été canonisé. Et il a été désigné «meilleur Belge de tous les temps» dans un sondage. Une statue est érigée en son honneur dans sa ville natale, Tremolo. Une copie de la statue est exposée au Capitole à Washington. Chaque État des États-Unis choisit une personnalité à honorer. Hawaï a choisi le Père Damien.
La réputation du saint belge a été entachée il y a quelques années par une déclaration de la démocrate Alexandria Ocasio-Cortez, dans laquelle elle décrivait le Père Damien comme «un représentant du patriarcat et du suprémacisme blanc». Cependant, Ruben Boon, expert des questions concernant le Père Damien, a défendu le prêtre en argumentant que: «le Père Damien était bien plus un Hawaïen qu’un Belge, ou qu’un homme blanc».
Le Père Damien n’est pas le seul prêtre louvaniste célèbre. Georges Lemaître était un dévot catholique qui enseignait à la KULeuven. Personne ne faisait attention à ses recherches lorsqu’il travaillait pour le collège du Saint-Esprit de Louvain sur une théorie scientifique complexe qui expliquerait les origines de l’univers. Lorsqu’il a publié les résultats de ses recherches en 1931, il a appelé sa théorie «hypothèse de l’atome primitif», plus connue sous le nom de la théorie du Big Bang. Albert Einstein avait d’abord rejeté cette hypothèse, mais il a changé d’avis.
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La ville a récemment eu une idée originale pour mettre à l’honneur l’audacieuse théorie de Georges Lemaître sur la création de l’univers il y a 13,77 milliards d’années. Elle a chargé l’artiste française Félicie d’Estienne d’Orves de créer une œuvre d’art urbaine appelée «Atome Primitif». L’artiste s’est aperçue qu’il était difficile de représenter un laps de temps de 13,77 milliards d’années. Il est déjà difficile d’appréhender les 600 ans qui nous séparent de la construction de l’hôtel de ville de Louvain. Elle a eu l’idée de créer une promenade urbaine de deux kilomètres représentant un voyage depuis le début des temps.
Le concept est simple. L’artiste a placé 80 petits médaillons dans les rues pavées de la ville pour représenter les galaxies importantes. Certaines d’entre elles ont des noms excentriques, tels que Le fantôme de Mirach ou la galaxie de l’Œil noir. D’autres sont seulement désignées par des chiffres.
Vous commencez votre promenade par le site Rector De Somerplein, où le temps est représenté par un cercle de lumière sur le trottoir. Chaque pas que vous faites représente plus ou moins 10 millions d’années.
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Le parcours se termine au cœur de la périphérie de la ville, proche du début de l’espace-temps. Enfin, pas si proche que cela en réalité. Il y a encore 429 millions d’années entre la fin du parcours et le Big Bang, qui arrive, en toute logique, quelque part dans la banlieue de la ville.
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Le télescope James-Webb a récemment envoyé des images spectaculaires qui ont capturé l’univers tel qu’il était il y a 13 milliards d’années. Non loin du moment que nous appelons le Big Bang, nom dû à un prêtre discret de Louvain.
La ville intelligente de Louvain ne s’intéresse pas qu’à la puissance intellectuelle. Le conseil communal souhaite utiliser les données numériques pour faire de Louvain une ville plus agréable à visiter. Ces quinze dernières années, il a suivi les traces des visiteurs grâce à leurs téléphones. L’objectif est de trouver qui va où. Par exemple, combien de touristes allemands gravissent la tour de la bibliothèque universitaire? Combien de personnes viennent de Bruxelles pour faire les magasins? De belles astuces… J’adorerais qu’on me dise combien de personnes, comme moi, se sont tenues au milieu du périphérique, essayant de comprendre ce que ça signifie d’être à 429 millions d’années du début des temps.
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J’ai trouvé davantage de preuves d’intelligence au musée de la ville. C’était autrefois un cabinet de curiosités vieillot, connu sous le nom de musée Vander Kelen-Mertens. Il s’appelle désormais M. Simple et efficace. En 2010, l’architecte Stéphane Beel a transformé avec brio le musée et l’ancienne libraire communale voisine en un lieu d’art contemporain stupéfiant. Le bâtiment contient un espace pour les enfants, un café et une terrasse sur le toit. Les curateurs ont organisé des expositions éphémères intéressantes, et ont exposé des peintures et sculptures religieuses dans des endroits intrigants, où les œuvres modernes sont accrochés près des tableaux des maîtres anciens.
Le centre culturel de Louvain, STUK, est un autre lieu futuriste. Fondé dans les années 1970 comme centre d’art expérimental, c’est désormais un lieu d’art dynamique. Situé sur une pente raide qui descend de la Naamsestraat, dans un bâtiment néo-gothique rénové, le STUK est un lieu animé où l’on peut assister à des représentations de théâtre contemporain, de danse et de jazz, ou juste s’arrêter pour un café.
En 2005, Louvain a décidé de regrouper cinq lieux culturels sous un seul nom, le 30CC. À l’époque, quelqu’un a affirmé que ce nom était «percutant et moderne» et qu’il sonnait un peu comme «le moteur d’une moto défoncée». Eh bien, cette moto défoncée organise désormais des représentations de théâtre, de danse, des lectures et des prestations musicales partout dans la ville, y compris au grand théâtre communal.
Le bourgmestre de la ville, Mohamed Ridouani, encourage les citoyens à réfléchir par eux-mêmes en apportant son soutien à l’urbanisme et aux idées durables, dont le festival de l’innovation and& (qui a normalement lieu tous les deux ans) et la communauté MindGate.
Son plan a contribué à faire de Louvain une ville futuriste, dynamique et optimiste. En 2020, elle a été désignée capitale européenne de l’innovation, recevant les éloges pour un modèle de gouvernance inspirant qui encourage le public à innover. La ville a également été sélectionnée parmi les 100 villes de l’UE qui se sont engagées à atteindre la neutralité carbone d’ici la fin de la décennie.
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L’université de la ville se trouve dans une vallée bordée de collines à l’est. J’ai pris un vélo pour faire un tour dans les environs. Il ne m’a pas fallu plus de cinq minutes pour sortir de la ville sur les pistes cyclables peu fréquentées. Le paysage rural soigné est parsemé d’anciennes abbayes, de fermes et même de quelques vignobles.
L’itinéraire que j’avais prévu m’a emmené à l’abbaye de Parc, à la périphérie de la ville. Sa tour baroque s’élève au-dessus des champs où broutent les bovins. Une odeur de fumier envahit même la cour pavée de l’abbaye.
© Cédric Verhelst
L’abbaye a été fondée en 1129, bien que la plupart des bâtiments actuels datent du XVIIe siècle. Elle appartient à l’ordre des chanoines réguliers de Prémontré (aussi appelés Prémontrés). Le complexe tentaculaire, toujours occupé par quelques Prémontrés, est actuellement en rénovation. Il s’agit d’un projet colossal qui prendra fin en 2025, mais vous pouvez déjà visiter une grande partie du complexe, où un musée d’art religieux appelé PARCUM a ouvert en 2021.
C’est une expérience incroyable. Vous entrez par un cloître froid, bordé de vitraux du XVIIe siècle, qui racontent l’histoire de saint Norbert. Les vitraux avaient été vendus au XIXe siècle quand l’abbaye était à court de fonds, et avaient fini éparpillés dans le monde. Les chercheurs ont toutefois réussi à retrouver la plupart des vitraux et les ont restitués à l’abbaye.
© Wouter Jaspers
En vous promenant, vous tomberez sur la devise de l’abbaye, Ne quid nimis, «Rien d’excessif». Mais quand vous entrez dans le réfectoire, vous vous rendez compte que les pères n’ont pas pris la devise au pied de la lettre. Le plafond est décoré d’extraordinaires scènes en stuc par Jan Christiaan Hansche, illustrant des scènes de la Bible, impliquant toutes de la nourriture. La Cène est bien évidemment là-haut avec un portrait intime de Martha et Marie dans une cuisine.
© Wouter Jaspers
Et il y en a plus encore dans la bibliothèque. Vous entrez dans une pièce sombre bordée d’étagères et d’un autre magnifique plafond en stuc illustré de scènes bibliques liées aux livres. Les silhouettes tridimensionnelles en stuc émergent du plafond comme une version XVIIe siècle des lunettes HoloLens.
© Cédric Verhelst
La visite continue avec la demeure de l’Abbé et sa chapelle privée. Les pièces sont décorées dans un style baroque doré qui semble suggérer que la devise «Rien d’excessif» est devenue «Tout en excès».
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De retour à Louvain, il y avait un dernier endroit que je devais voir. Le collège des Trois Langues a été fondé par l’humaniste Jérôme de Busleyden en 1517. Inspiré par Érasme, le collège a été le premier lieu au monde où le latin, le grec et l’hébreu étaient enseignés aux étudiants. Il a attiré quelques-uns des érudits les plus brillants de l’époque, tels que Juste Lipse et André Vésale, et a fait de Louvain un centre d’apprentissage de la Renaissance.
Selon moi, le collège des Trois Langues est le véritable centre intellectuel de la ville. Mais je n’arrivais pas à trouver le bâtiment. Même Google n’y parvenait pas. J’ai fini par repérer une allée étroite appelée Busleydengang sur la place Vismarkt. Elle menait à une cour déserte où se trouvaient quelques vélos. Aucun panneau. Rien qui indiquait l’emplacement du rêve d’Érasme.
Tant pis… Il y a toujours la bière, me suis-je dit. Je me suis donc dirigé vers un bar au nom encourageant, Optimist, sur la place Vismarkt.
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