Utopia: louvoyer entre art et divertissement dans la région lilloise
Jusqu’à début octobre, lille3000 présente dans la région lilloise le festival Utopia. Avec des expositions dans différentes villes, des interventions dans l’espace public et des spectacles, l’organisation culturelle et ses partenaires mettent en évidence le rapport entre l’humain et son cadre de vie. Comme les cinq éditions précédentes, lille3000 offre des images saisissantes, parfois sans aller plus loin. Il reste qu’une visite dans la métropole est une garantie d’étonnement. Voici quelques points forts d’un programme particulièrement vaste.
Lille s’était promis de devenir «Capitale verte européenne» en 2021, mais elle n’y est pas parvenue. L’ambition reste néanmoins intacte, ainsi que l’a souligné Martine Aubry lors de l’ouverture d’Utopia. Elle a fait référence aux plans visant le verdissement de la ville et le retour de l’eau sur l’avenue du Peuple Belge. Pour elle, le festival Utopia représente cette visée verte et l’organisation culturelle lille3000 constitue un véhicule idéal pour la sensibilisation des gens à l’écologie par la culture.
© Bart Noels
Si, au cours des prochains mois, vous allez de la gare Lille Flandres vers le centre-ville, vous passerez par la rue Faidherbe, où vous accueilleront les Moss People (littéralement «gens de mousse») de Kim Simonsson. Des personnages de BD égarés qui font partie des «Métamorphoses Urbaines» conçues par Lille3000 pour introduire l’art dans l’espace public. Intéressant, captivant, quoique peut-être davantage un joli coup d’œil qu’autre chose.
Même remarque pour La Maison du Maxitos, Îlot Comtesse. Une sorte de maison de géants, de quoi réveiller l’enfant en vous. Une image impressionnante, un beau sujet pour Instagram. Un peu plus loin, sur la place centrale de la Vieille Bourse, vous ne pourrez manquer Rezielientia, œuvre de Ghyslain Bertholon, une cognée sur laquelle poussent des feuilles. Et juste à côté, sur la Grand-Place, des tentacules sortis de La Voix du Nord: Designs in Air de Peter Hamilton et Luke Egan. Tout ce qu’il y a de plus sympa et amusant. Les curateurs de ce parcours d’art dans l’espace public semblent vraiment jouer la carte du sourire et de l’étonnement. Mais on peut se demander si la réflexion sur l’utopie écologique qui inspire le festival y trouve encore son compte.
© Bart Noels
Cette même question est posée par Tutopia, un contre-festival organisé par des habitants de Lille qui trouvent hypocrite le choix thématique d’Utopia. Les citoyens étaient déjà divisés quant à l’opportunité d’ériger des constructions sur une superficie verte non bâtie au cœur de la ville. Cette année, les opposants ont fustigé par une «parade des financiers» le groupe de financiers de lille3000, de grandes entreprises qui, selon eux, font du greenwashing: entre autres Auchan, EDF et Westfield.
Grandes expositions
Le thème de la nature est clairement à l’honneur dans l’exposition «Les Vivants» au Tripostal de Lille. L’ancien centre de tri de la poste a été rouvert en 2004 alors que Lille était Capitale culturelle européenne et est depuis le lieu par excellence pour de belles rétrospectives. C’est la Fondation Cartier qui a fourni la majorité des œuvres de cette exposition où l’art de différents continents et la science se rencontrent. Nous avons été nous-même séduit par les œuvres monumentales présentées au premier étage et par l’installation son et image où des bruits de l’environnement sont traduits en un envoûtant spectacle audio-visuel.
© Bart Noels
Le Musée de l’Hospice Comtesse accueille une exposition intitulée «Le serpent cosmique», rassemblant des œuvres qui s’adressent à tous nos sens. Lisons ce qu’en dit lille3000: «L’exposition est conçue comme une promenade labyrinthique, organique, hallucinante, traversant des pratiques et courants divers qui vont de l’Arte Povera aux installations interactives, de l’art chamanique à la jeune peinture contemporaine».
La Gare Saint-Sauveur est, elle aussi, à nouveau de la partie en tant que lieu d’exposition. L’ancienne gare de marchandises s’affirme depuis des années comme un endroit à recommander pour une petite sortie en famille. L’exposition «Novacène» qui s’y tient a pour thème la quête d’une société pauvre en émission de carbone.
© Maxime Dufour photographies
Un Flamand qui vous surprendra est l’artiste olfactif Peter De Cupere. Dans l’église Sainte-Marie-Madeleine, rue du Pont-Neuf, sa monumentale sculpture verte sur le thème «Jardin d’Eden» ouvre un parcours de senteurs qui se prolonge jusqu’à la Maison Folie Moulins. À l’intérieur de l’église même, n’hésitez pas à gratter le bulbe vert pour en humer le parfum.
© Maxime Dufour photographies
Du côté opposé à l’église, Subodh Gupta rappelle le tsunami de décembre 2004. Illustration impressionnante des forces déchaînées de la nature, ces entassements d’ustensiles de cuisine sur plusieurs mètres de hauteur sous les voûtes du sanctuaire illustre en outre le contraste entre les œuvres présentées à l’extérieur et à l’intérieur. Il semble que ces dernières incitent davantage à la réflexion que celles, plus colorées, qui occupent l’espace extérieur.
Le Palais des Beaux-Arts reprend le thème dans «La forêt magique», partant à la découverte de la manière dont les artistes, à travers les siècles, ont représenté la forêt, lieu tantôt ténébreux et insondable, tantôt magique. La façon dont l’humain dépeint la forêt donne une idée assez juste du regard qu’il porte sur la nature. Les curateurs nous résument le propos: «Une exposition à la fois esthétique et militante, qui révèle l’intuition écologique précoce des artistes».
Les Caps
Les Caps sont une nouveauté. Il s’agit de randonnées alliant art et récréation. Elles permettent de faire connaissance avec l’œuvre d’artistes tout en découvrant des lieux particuliers, en ville, à la campagne, dans un parc ou un quartier. Et ce non seulement à Lille, mais aussi à Tourcoing, Wervicq-Sud ou Armentières.