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arts

Willy Vanderperre, photographe de mode, capture l’âme de ses modèles sans détour

Par Maya Toebat, traduit par Raphaëlle Foucart
21 juin 2024 7 min. temps de lecture

Vous avez très probablement déjà posé les yeux sur l’une ou l’autre des photos du photographe de mode belge Willy Vanderperre. Il photographie des campagnes pour des maisons de mode telles que Dior et Prada, et ses photos apparaissent dans des magazines comme Dust, i-D et Vogue. Pas surprenant donc qu’il ait l’honneur d’être le premier photographe à présenter une exposition au MoMu d’Anvers. Au programme: trente ans de rébellion, un travail d’équipe à couper le souffle et une fascination débordante pour la jeunesse.

«Réaliser le portrait d’une personne demande de la patience. Elle doit d’abord se rendre dans un studio et y prendre ses marques durant quelque temps avant de se dévoiler et de s’ouvrir à moi. J’ai tout le temps du monde. J’attends. J’attends qu’un souffle lève soudain le voile et me laisse apercevoir l’âme de cette personne. L’espace d’une nanoseconde, j’ai la chance de découvrir un secret grisant. Et mon cœur bondit de joie.»

Ces mots résonnent tandis que le film défile en continu durant l’exposition consacrée au photographe de mode Willy Vanderperre au MoMu, le musée de la Mode d’Anvers. Willy Vanderperre ne se contente pas de prendre des photos. Il imagine une composition, règle son matériel et laisse de l’espace à son modèle. Pourquoi? Pour capturer des émotions: un mouvement brusque, une expression faciale inimitable… Résultat: une véritable œuvre d’art avec des photos illustrant l’âme d’un modèle et qui ne laissent personne indifférent. Tel est d’ailleurs l’objectif, tant dans les éditoriaux que les projets commerciaux: ce ne sont pas les vêtements, mais l’être humain qui est toujours au centre de tout.

Point de départ

L’exposition au MoMu est tout sauf une rétrospective. Willy Vanderperre y évoque quelques points clés de ses trente années de carrière, mais il ne compte pas s’arrêter là. Que du contraire! Il s’agit plutôt d’un regard prometteur vers l’avenir, d’autant plus qu’il a déjà un palmarès impressionnant à son actif. Ses photos sont publiées dans des magazines influents, comme i-D, Vogue, AnOther Magazine, Arena Homme + ou encore Dazed & Confused. Des célébrités telles que Tilda Swinton, Cate Blanchett et Michelle Williams ont pris la pose devant son objectif. Raf Simons, couturier et grand ami de Willy Vanderperre, lui demande régulièrement de photographier les campagnes des marques pour lesquelles il travaille: Jil Sander, Dior, Calvin Klein et, à présent, Prada.

Dans le même temps, cette exposition retrace les débuts de Willy Vanderperre, car pour lui, tout a commencé à l’Académie de mode d’Anvers. Issu d’une famille de bouchers de Menin, en Flandre-Occidentale, il a d’abord effectué ses études secondaires à l’école d’art de Courtrai, avant de rejoindre l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers en 1989. Fasciné par Jean-Paul Gaultier et «Les Six d’Anvers» –véritables rock stars, à l’époque–, il était convaincu qu’une carrière de couturier lui était toute tracée. Et pourtant, ce sont surtout les moodboards préparatoires et les photos qui le faisaient vibrer, bien plus que la conception elle-même. C’est ainsi qu’il s’est orienté vers la photographie, chemin qu’il a également quitté au bout de deux ans afin de se pencher sur sa propre vision des choses.

Travail d’équipe

Willy Vanderperre a toujours été et sera toujours un rebelle. Néanmoins, les années qu’il a passées à l’Académie des beaux-arts d’Anvers ont façonné l’homme que nous connaissons aujourd’hui. Pourquoi? Parce qu’il y a rencontré ses amis les plus proches: le couturier Raf Simons et le styliste Olivier Rizzo, lequel est ensuite devenu le collègue ainsi que le compagnon du photographe. Olivier Rizzo et Willy Vanderperre se sont rencontrés le premier jour de leur formation de mode et ne se sont plus jamais quittés depuis. Olivier Rizzo a à son tour fait la connaissance de Raf Simons lors d’un stage d’été chez Walter Van Beirendonck. Ainsi étaient posés les fondements d’une collaboration, toujours active aujourd’hui. Ensemble, ils évoquent la mode comme une véritable histoire: sur les photos de Willy Vanderperre, avec Olivier Rizzo au stylisme et, souvent, Raf Simons à la conception, les modèles incarnent les personnages d’un univers.

Prenez par exemple la photo qui a en quelque sorte lancé la carrière de notre photographe: le portrait de Robbie Snelders avec un dessin de Mickey Mouse sur son visage. Willy Vanderperre a réalisé la photo de la campagne pour Raf Simons en 1999, avec Olivier Rizzo en tant que styliste et Peter Philips en tant que maquilleur – ce dernier occupe de nos jours la fonction de directeur artistique pour le maquillage Christian Dior. La photo, en couverture du premier numéro de V Magazine, a fait le tour du monde! Et cette idée leur est venue lors d’un moment on ne peut plus convivial. Willy Vanderperre devait travailler pour financer ses études, mais consacrait ses dimanches à la photographie, aux côtés d’Olivier Rizzo. Ils se réunissaient dans son appartement, avec des amis, comme Peter Philips et Robbie Snelders (qui était alors le modèle de Raf Simons), mangeaient de la tarte aux fraises et réfléchissaient à une manière d’utiliser un t-shirt Mickey Mouse de la collection d’Olivier Rizzo. Puisque les photos ne rencontraient aucun succès, Peter Philips a eu l’idée de dessiner Mickey Mouse sur le visage de Robbie Snelders. Et c’est ainsi que tout a commencé!

Jeunesse rebelle

Les jeunes ont toujours été l’une des sources d’inspiration principales pour Vanderperre. L’exposition regorge d’adolescents rebelles, qui se cherchent, pleins de vivacité. En guise d’exemples, prenons un groupe de jeunes modèles dans un parc pour Vogue Italia, deux adolescents qui se battent sur un lit ou encore la toute première image de l’exposition: un garçon arborant un t-shirt issu de la deuxième collection d’Olivier Rizzo. Il se tient face au mur de la classe de dessin de l’Académie, le seul local dans lequel Olivier Rizzo et Willy Vanderperre suivaient des cours en commun.

Au début, les modèles de Willy Vanderperre avaient son âge, mais en vieillissant, il a continué à braquer son objectif sur des adolescents. «C’est la période de notre vie où tout bascule», explique-t-il dans le film de l’exposition. On est conscient du regard des autres et on se regarde à travers leurs yeux. Notre innocence nous quitte. Nos yeux ne voient plus que deux couleurs: le noir et le blanc. Nous ne sommes plus qu’un corps, un ensemble d’hormones, un volcan plein de pulsions irrépressibles. On se cherche, on se rebelle et on se teste. On pense savoir qui on est ou, du moins, qui on veut être, mais on ne parle pas encore la langue qui nous décrit le mieux. On est grotesque. On est la pureté incarnée.»

Ce sont les années pleines d’incertitude, d’ardeur et d’idéaux qui fascinent le plus Willy Vanderperre, car il peut alors découvrir l’âme de ses modèles et la capturer sans détour. Les sous-cultures au sein desquelles les jeunes prennent leur envol l’inspirent aussi énormément. Ainsi, la new wave, le punk et le grunge qui ont caractérisé sa propre jeunesse constituent une source visuelle essentielle, au même titre que Mickey Mouse et Caravaggio.

Métier

Willy Vanderperre adresse un clin d’œil aux grands maîtres de la peinture en jouant avec les contrastes et en réalisant par exemple un portrait sur fond noir. La photographie est un métier qu’il maîtrise entre-temps à l’instinct. Elle s’accompagne également d’une signature: les photos cachent un réglage extrêmement précis de l’appareil photo, un jeu de contrastes et de volumes et, surtout, un silence absolu. «Comment décortiquer une image? Peut-être en la passant soigneusement au crible jusqu’à en dégager l’essence», écrit le critique Alexander Fury dans le livre de l’exposition. «Souvent, Willy Vanderperre dit beaucoup avec très peu: sa marque de fabrique est une photo dépouillée de tout, qui engage directement le spectateur avec le modèle, sans détour ni grandiloquence.» Les photos sont ramenées à leur essence: un modèle sans fioritures, pur et vrai.

Malgré son succès retentissant et ses collaborations avec de grands noms du monde de la mode, Willy Vanderperre garde les pieds sur terre. Voilà qui témoigne une fois de plus de son professionnalisme. Il reste avant tout un photographe, peu importe avec qui il collabore. Ce sens de la réalité lui a été inculqué par ses parents. C’est une chance qu’il soit toujours resté à Anvers, où il rentre chez lui, entouré de ses amis, à l’issue d’un projet d’envergure.

Les séances photo sont également toujours aussi conviviales. Willy Vanderperre est présent des préparatifs jusqu’au rangement du matériel –il n’est pas question de hiérarchie au sein de son équipe. Ces séances s’accompagnent immanquablement du même rituel: du café, des discussions –agrémentées de blagues– et des chansons de Depeche Mode. Une atmosphère détendue est indispensable, au même titre que le calme et l’ordre, car cela reste une activité professionnelle.

Tout est préparé de sorte que les modèles se sentent à l’aise et que Willy Vanderperre puisse prendre les photos telles qu’il se les imaginait. Car elles existent déjà quelque part, il lui suffit de les capturer selon les règles de l’art. Voilà pourquoi, à ses yeux, «les séances photo sont les journées les plus palpitantes. Dès que j’ouvre les yeux le matin, je le sens», l’entend-on dire dans le film. «Tout brille autour de moi. Et je rayonne. L’air est chargé de nervosité et d’attente. Voilà ma raison de vivre.» Cette exposition n’est que le début d’une vie remplie de photos.

Willy Vanderperre, Prints, films, a rave and more… , jusqu’au 4 août au MoMu d’Anvers. Le livre de l’exposition a été publié par les éditions Lannoo.
Maya

Maya Toebat

journaliste indépendante et éditrice

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